Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?
Carole : Je suis Carole, ergothérapeute depuis deux ans à Lépine Versailles. Je suis diplômée depuis bientôt dix ans et avant d’arriver à Lépine, j’ai eu des expériences variées dans les domaines de la rééducation et de la réadaptation.
Prune : Je m’appelle Prune, je suis animatrice au Centre de Ressources Territorial depuis 1 an maintenant. J’ai obtenu un diplôme en arts plastiques, ce qui m’a apporté une certaine sensibilité, très utile aujourd’hui dans mon métier.
Comment êtes-vous arrivées à Lépine ?
Prune : Initialement, j’ai effectué un remplacement en animation à Lépine, puis j’ai eu l’opportunité d’intégrer le CRT.
Carole : Dans mon métier, on est également amené à faire de la prévention et c’est dans ce cadre que je suis arrivée à Lépine, pour contribuer à un projet visant la prévention de la perte d’autonomie
Pouvez-vous expliquer en quoi consiste le CRT ?
Carole : Le CRT, c’est-à-dire le Centre de Ressources Territorial, est composé de deux volets.
Le premier concerne les actions collectives auprès des seniors et de leur famille, ainsi que du personnel aidant et professionnel. On y retrouve les conférences, les animations ou encore les groupes de prévention (ateliers diététiques, prévention des chutes, etc.) proposés à Lépine.
Le deuxième volet, quant à lui, vise à renforcer le maintien à domicile des seniors et permet de consolider les plans d’aide jugés insuffisants. Cela nous permet d’intervenir de manière pluriprofessionnelle, puisque l’équipe est composée d’une coordinatrice, d’un médecin, d’une diététicienne, d’une psychologue, d’une animatrice, d’une assistante de soins en gérontologie, d’une ergothérapeute et d’une enseignante en activité physique adaptée. Nous interagissons aussi avec les autres services et le réseau de proximité de la personne accompagnée (libéraux, associations, services sociaux de la ville, etc.).
Comment se passe les démarches pour bénéficier de ces actions (volet 2) ?
Prune : Pour bénéficier de l’intervention du CRT, les seniors doivent faire partie de Lépine, avec une prise en charge par le SSIAD (Service de Soins Infirmiers à Domicile) ou le SAAD (Service d’Aide à Domicile).
Carole : Les personnes nous sont adressées par les professionnels de terrain. Notre équipe se rend ensuite à leur domicile pour évaluer la situation globale et vérifier les critères d’éligibilité tels que l’âge, l’isolement et le souhait de rester à domicile malgré la fragilité de la situation.
Prune & Carole : L’évaluation nous permet également d’avoir des pistes d’accompagnement et d’orientation vers les différents professionnels de l’équipe. Des réunions hebdomadaires sont organisées pour échanger entre nous.
Pourquoi le CRT est si important ?
Carole : Nos actions nous permettent d’interagir avec les bénéficiaires et de créer un lien avec eux. Lorsque l’on intervient, c’est pour pallier des difficultés existantes. Il est essentiel de pouvoir répondre aux besoins de la personne et de l’aider à concrétiser son projet.
Prune : Cela peut être, par exemple, de redécouvrir une passion oubliée, de maintenir ou de retrouver plus d’autonomie, ou encore de favoriser l’estime de soi. C’est important de les aider à se sentir valorisés. C’est pour cela que, pour un même objectif, nous pouvons avoir des champs d’action variés.
De plus, beaucoup de dispositifs existent, mais peu de personnes en sont informées. Nous sommes donc aussi là pour les orienter et les accompagner dans leurs démarches. C’est notre manière d’apporter notre « pierre à l’édifice ».
Pouvez-vous expliquer vos postes ?
Prune : Avant toute chose, j’effectue un premier contact téléphonique. À mon arrivée à domicile, nous échangeons sur les activités pratiquées ou envisagées dans le passé. Par exemple, un monsieur faisait de la peinture à l’huile jusqu’à l’apparition de sa maladie ; nous avons pu reprendre cette pratique ensemble. On peut aussi découvrir de nouvelles pratiques artistiques à tout âge. J’ai par exemple accompagné des personnes vers de nouveaux apprentissages tels que le tissage, l’aquarelle, la bande dessinée ou encore l’écriture de mémoires.
Concrètement, c’est essentiellement du cas par cas, mais lorsqu’un patient éprouve une certaine appétence pour l’art, qu’il en a déjà pratiqué ou qu’il a envie d’en pratiquer, j’essaye de lui apporter une solution en ce sens.
Ces activités sont des médiations artistiques permettant de créer ou recréer du lien, de restaurer la confiance en soi et d’amener les personnes à exprimer leurs ressentis et leurs émotions lorsqu’elles rencontrent des difficultés à les verbaliser.
Carole : Comme Prune, j’interviens surtout à domicile, où j’effectue un entretien avec la personne, qui porte sur les actes de la vie quotidienne : comment elle se déplace, si elle arrive à s’habiller, à faire ses courses, tout en prenant aussi en considération son environnement et son habitat.
Lors du bilan, je les observe également en situation pour des gestes du quotidien comme s’asseoir, se lever, se coucher, etc. Cela me permet d’évaluer leur degré de dépendance et, en fonction des difficultés, de déterminer les aménagements à mettre en place. Par exemple : une planche de bain pour la baignoire, une barre d’appui dans les toilettes, une aide technique pour la cuisine ou encore un rollator-caddie pour les courses.
Après le bilan, on détermine les axes d’accompagnement, qui peuvent inclure des essais de matériel, un apprentissage de son utilisation, un entraînement à certains transferts, ou encore une formation auprès des aidants.
Comment les services et les postes de chacun se complémentent-ils ?
Carole : Comme évoqué plus tôt, chaque semaine nous organisons des réunions afin d’échanger sur les problématiques du moment. Nous échangeons aussi beaucoup entre les services.
Prune : Oui, dès qu’on remarque quelque chose, on le transmet pour que chacun ait la même information. Nous sommes aussi en lien avec les auxiliaires de vie et les aides-soignants sur le terrain. C’est important d’inclure tous les professionnels qui gravitent autour de la personne.
Quels aspects de votre métier préférez-vous ?
Carole : Ce que je préfère, c’est pouvoir contribuer à la réalisation du projet de vie de la personne. Cela peut passer par de petites choses qui améliorent la qualité de vie, rendent certains gestes ou certaines activités plus faciles, plus confortables. J’aime le lien qui se crée avec les personnes et ressentir le bien-être apporté.
Prune : Ce qui me marque le plus, c’est de constater le bénéfice apporté dans leur quotidien. On se sent alors utile et on voit que cela a un impact positif sur eux. C’est aussi très touchant quand ils nous le disent clairement : « Sans Lépine, qu’est-ce que j’aurais fait ? »
Le CRT continue d’évoluer, il y a-t-il des projets en cours ou à venir dont vous voudriez faire part ?
Prune : Nous aimerions continuer les projets en cours mais aussi développer ensemble de nouvelles opportunités. Cet été, nous avons prévu des sorties culturelles à la journée. En octobre, aura lieu une exposition mettant en lumière nos bénéficiaires, en collaboration avec le quartier. Prochainement, nous aurons aussi de nouveaux locaux et un véhicule pour faciliter le transport vers les animations.
Carole : Actuellement, nous sommes aussi en train de mettre en place une téléassistance avec des options connectées (actimétrie, capteur de lit, verres connectés…).
L’actimétrie, ce sont des capteurs de présence placés dans le logement, qui analysent les habitudes de vie de la personne et peuvent ainsi détecter des anomalies. En cas d’anomalie, un appel est automatiquement lancé pour prévenir le réseau de proximité défini au préalable par la personne. Cela permet de rassurer les personnes isolées, de sécuriser le domicile, mais cela peut également nous permettre d’adapter nos interventions et actions auprès de la personne.
Prune : La plupart des bénéficiaires sont en situation d’isolement. Personnellement, j’aimerais mettre en place un podcast qui mettrait en lumière des portraits et des histoires de vie. Ce projet répond au besoin de faire partie d’un collectif quand on est seul chez soi.
Merci pour l’échange, une anecdote pour la fin ?
Prune : Pour une anecdote drôle et mignonne à la fois, il faut raconter l’histoire de la Dame au cake.
Carole : Oui c’est vrai ! J’avais fait une mise en situation cuisine auprès d’une dame. Elle avait choisi de réaliser une ancienne recette de cake salé, et nous avions eu bien du mal à mélanger la pâte… Nous avons terminé la séance, mais la cuisson n’était pas achevée. Je suis donc partie en laissant Madame avec son auxiliaire de vie, qui devait sortir le cake du four.
Prune : Le lendemain, comme tous les vendredis, je suis passée la voir pour l’activité, et elle m’a proposé un goûter : petit thé et le fameux cake. Celui-ci était déjà coupé et disposé dans l’assiette. Avant même que je ne le goûte, elle m’a dit, en postillonnant des miettes un peu partout : « Il est un peu sec. » Effectivement, le cake était une vraie brique.
Pour une histoire plus touchante, un monsieur avait perdu sa femme et sa fille récemment. Je passais chaque semaine, et petit à petit, un lien s’est créé. Un jour, il a voulu faire du tri dans leurs livres — toutes deux passionnées de lecture. Il voulait en faire don, et il m’a préparé des livres qu’il m’a dédicacés : « L’originale, un rayon de soleil. »
C’est pour ces moments-là que nous aimons ce métier.